Pakistan « Land of pure »

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LAND OF PURE

« Devant son insistance et son incompréhension face à mon athéisme, je concède à lui dire que je n’avais rien contre l’idée de réfléchir à me convertir, et devenir musulman. Bien sûr c’est un mensonge, mais ça le rassurera. Pour que j’y réfléchisse, il m’offre un livre. La page où je l’ouvre est effrayante, j’y lis « Punishment for photographers and painters », mon reportage semblait d’emblée semé d’embûches. »

C’est dans un pays où la photographie est interdite que Loïc Vizzini a poursuivi son travail autour de la Route de la Soie. Pour cette nouvelle étape, le Pakistan, faisant suite à la Chine, présente un peuple bien différent que ce soit dans la culture du pays ou dans ses richesses. Il s’agit ici de la première véritable rupture dans ce cheminement, culturelle nous l’avons dit, mais aussi dans la manière d’envisager ce périple non plus en solitaire mais avec un compagnon de route imposé, chauffeur, guide et garde du corps dans un zone en forte tension.
Le Pakistan, étymologiquement le pays de pureté, est présenté ici dans sa dualité ambiguë, des paysages sublimes et tellement dangereux à la fois. Cette route qui mène de la Chine au Pakistan, des panoramas montagneux saisissants qui sont cependant les lieux de très violents accidents routiers et qui ont échappé de peu aux bombardements américains. Des paysages de ferrailleurs dans lesquels évoluent des silhouettes gracieuses enveloppées dans de suaves drapés.
Le photographe nous présente des hommes fiers de montrer ce qu’ils estiment être les symboles de leur réussite sociale, ils veulent montrer, démontrer à l’occidental qu’il est, qu’ils ont eux aussi des richesses. Mais ces trésors qui gonflent leur orgueil sont eux-aussi bien sinistres, ils sont constitués essentiellement d’armes à feu des plus perfectionnées, de drogue en grande quantité. A la manière d’un jeune parisien exhibant son téléphone portable en gage de prospérité, le faux-stylo à mini-balles est présenté tel un trophée.
Pourtant si ces « richesses » sont offertes à l’objectif, le visage des possesseurs ou des revendeurs est lui bien absent, s’il fut une véritable quête au cours de cette étape, ce fut bien celle des visages. On ne les offre pas à l’objectif, la trop grande présence de contrefaçons, de drogues ne sont qu’un partie des raisons, la photographie n’est tout bonnement pas acceptée et gênante. On représente donc plutôt que de photographier, à travers des affiches peintes, de cinéma en particulier, qui correspondent plutôt cyniquement à la caricature que se ferait un occidental du Pakistanais : un moustachu, fort, puissant et malin.
Si capter l’image de l’homme semble donc être une grande difficulté, prendre un cliché de femme est encore plus improbable. La femme n’est dans ce travail qu’une apparition, un fantôme presque. Même si dans leur intimité le photographe est accueilli cordialement, le cliché est impossible, et dans la rue la femme se cache des regards quels qu’ils soient. Encore une fois dans cette quête du visage, c’est l’affiche qui sera le seul lieu du visage féminin, le seul portrait véritable envisageable pour le photographe, une icône industrielle énigmatique.
Alors lorsque le photographe rencontre l’aveugle, les deux hommes privés d’images ont nécessairement un combat à mener. Une proie facile ? Ce n’est pas si simple, il y a autant de palpitant et désolant à faire un cliché de cet homme.
« Lui voler son image quand lui ne peux pas me voir, c’était comme lui prendre la vue une deuxième fois. »
Il serait facile de faire un portrait de la misère au Pakistan, cette image n’est en rien cela, elle est le reflet d’une situation présente, du rapport à la photographie dans un pays où tous se cachent, la seule personne qui ne se dissimule plus est celle qui ne voit pas.