Au fil de soi[e] Loïc Vizzini

2007 Manoir de la Possonière 41800 Couture sur Loir France

Dans le cadre du festival Promenades photographiques de Vendôme 2007. Qu’il soit au Pakistan en Chine ou en Mongolie, ce qui domine dans le travail de ce jeune photographe et qui constitue sa personnalité, c’est un questionnement permanent autour des populations et de leurs migrations à travers la route de la soie, fréquentée depuis des millénaires. Comment vivent-ils ?Que font-ils ? Qui sont-ils ? Au travers du temps, dans la continuité des paysages et de la route de la soie, on peut observer avec étonnement une évolution physique des peuples. Les visages qui se métamorphosent progressivement en de nouvelles ethnies comme les Bouriates, au sud de la Sibérie, une civilisation marginalisée et pourtant à mi-chemin entre la Russie et la Mongolie, ou encore les Ouigours, un peuple à l’identité politique hybride, ni Chinois, ni Pakistanais, mais une identité physique et culturelle qui semble être le point de rencontre de ces deux peuples. Le brassage des populations, mouvement perpétuel des hommes, est indéniablement le lieu des plus fortes transmissions. Qu’elles soient de l’ordre du savoir, des idées, de la culture, de la croyance ou de la morphologie, ces hérédités métissées ont exercé et exercent encore une profonde influence sur l’histoire et la civilisation des peuples de l’Eurasie. Les religions s’y entrecroisent, pacifiquement ou non, le bouddhisme, le catholicisme, les musulmans, orthodoxes se rencontrent, se conjuguent ou s’affrontent et il n’est pas rare de rencontrer des croyanceshybrides : des icônes chrétiennes cohabitant avec Ganeshe sur la plage arrière d’un taxi. La religion est un domaine important et à la base de la communication sur la route de la soie. Comme le rapporte Loïc Vizzini : « C’était l’une des questions principales qui m’était posée. Quelle est ta religion ?et je ne savais pas forcément comment leur dire sans les brusquer. Je n’ai pas de religion, je suis athée. Ils avaient vraiment du mal à comprendre que je pouvais vivre sans aucune croyance car pour eux cela fait partie de leur quotidien. Le choix d’une religion est tellement identitaire, que ma position leur semblait improbable, il fallait que je choisisse ma communauté et ne pas croire en un dieu, on me le répétait sans cesse, c’était ne pas pouvoir aller au paradis. Alors comme le sujet était délicat, je tentais à chaque fois de trouver une solution pour changer de conversation. C’était la meilleure manière, je pense, de n’être pas assimilé à une communauté et de cette manière pouvoir aisément être accueilli dans toutes.» Au fil de son travail, le photographe évolue avec les populations, les coutumes, les religions, ces métissages sont devenus son propre métissage. Ce travail photographique est autant de travail sur soi, de remise en question, une perpétuelle évolution et parfois même une prise de risque spirituelle comme physique. Cette route de la soie est en effet jalonnée de zones en crise et dangereuse à l’exemple du Pakistan, à l’approche de la zone tribale, vallée qui fut longtemps le seul passage entre Afghanistan et Pakistan. Son travail est particulièrement axé sur la lumière qu’il capte, saisit, modèle, et réfléchit afin d’en obtenir sur la pellicule toute les subtilités, toute l’intimité, à l’image de cette scène d’un enfant priant aux cotés de sa sœur dans un yourte en Mongolie. La lumière y est dure, rasante, elle intensifie la scène tout en la rendant douce et voluptueuse. A l’ère du numérique, Loïc Vizzini fait preuve de marginalité puisqu’il a fait de la photographie argentique son seul outil, matériel traditionnel pour une méthodologie tout autant classique mais bien capricieuse, et c’est pourtant ce matériau brut, sans retouche, sans recadrage, expression pure de l’œil du photographe, qu’il souhaite conserver. Question d’origine, cette méthode est celle qui lui fit découvrir sa passion pour la photographie mais fut celle également des photographes-reporter qu’il admire le plus. Les grands noms de la photographie, comme William Eugène Smith, Robert Capa, Sébastiao Salgado, Stanley Greene, James Nachtway ont su enrichir sa vision et alimenter sa passion. « Écrire avec lumière » voilà la signification du mot photographie, c’est ce même terme qui un jour lui donna envie de saisir des instants, des ambiances, de bloquer le temps. Son travail photographique est finalement une quête plurielle qui tient au documentaire, à l'ethnographie, à l'esthétique de la lumière. C'est un parcours initiatique autour d’un itinéraire historique, suivre la soie, rencontrer, chercher à comprendre et capturer l'image de l'autre, et de fil en aiguille, se construire soi.