Mongolie « Les empreintes »

Photos
Les empreintes qu’ont laissées de longues années d’occupation soviétiques en Mongolie dessinent un paysage urbain de béton et de délabrement.
L’impression dominante est celle d’une greffe qui aurait échouée.
Parsemés dans la ville d’Oulan Bator subsistent des stigmates révélant une volonté passée de main mise du grand frère soviétique sur le pays : érection de béton en forme d’ogives menaçantes, ruines, places monumentales et vides livrées au vent, blocs d’appartements posés là, partout du dur, niant les racines culturelles et marquant la volonté d’imposer la sédentarisation, un modèle urbain froid et triste, bien éloigné de la tradition nomade est pastorale des Mongoles.
Des traces de ce passé récent, les mongoles n’en ont pas fait table rase. Coques vidées de leur force symbolique, ils les laissent dériver et se décomposer lentement.
Deux modes d’habitat coexistent , la vie en étage dans des blocs de béton pour les sédentaires , où la yourte pour les nomades. Parfois collée à la ville ou isolée dans la steppe, la yourte donne le sentiment d’un ventre chaud, un condensé de famille qui vous accueille et au sein duquel tout se partage.
La levée de la chape de plomb soviétique marque également le retour au grand jour de la ferveur religieuse . Le mysticisme a balayé le rationnalisme autrefois imposé. Mélange de boudhisme et de chamanisme, les rites sont festifs, parfois physiques, et toujours emprunts de mystère.
L’infini des paysages.

L’infini des paysages creuse un gros appétit d’espace, l’envie irrépressible de dévorer de la distance. un magnétisme qui pousse toujours à aller plus loin.
La route doit s’inventer, ce n’est pas le ruban d’asphalte qui canalise les flux et maille le territoire. Tout pousse à se perdre. le rapport au temps, à la distance se brouillent. Cinq heures sont nécessaires pour couvrir 100 kilomètres, mais ces 100 kilomètres en ont paru 500, tellement les paysages sont divers, la route difficile.
A travers la vitre, le proche et le lointain défilent dans une même perception immédiate, l’environnement contient la distance et rien ne résiste au mouvement.
La progression du voyage s’est accompagnée d’un délitement progressif du paysage, quittant la ville dense pour ses abords plus épars, jusqu’à la steppe et ses yourtes isolées.
Le voyage s’est donc déroulé comme un cheminement à rebours pour parvenir enfin à la nudité originelle du désert.
Le hasard des rencontres a voulu que lje partage cette découverte du désert avec une famille sédentarisée, habitant la ville. C’est leur propre vision et vécu du désert qui est données à voir dans chaque image. Loin d’être appréhendé comme un environnement hostile, l’espace du désert s’est vite transformé en lieu de détente, en terrain de jeu hors de toute dimension, un endroit où chacun pouvait redevenir un enfant.
L’aimant de la lumière.

Les paysages qui nous avalent, les distances infranchissables, la dilution du temps, l’expérience de la Mongolie passe par la perte des repères. Cet égarement est une aubaine pour le photographe, mais il peut aussi se retourner contre lui, le regard peut se perdre.
Pour se diriger, il faut se laisser guider par la lumière. Sa lecture vaut celle de toutes les cartes géographiques. C’est la lumière qui aimante le regard, qui permet d’habiter un espace, d’y choisir une place et un moment approprié. Elle constitue un ancrage sensible dans l’espace et dans le temps dont il faut se faire l’allié.
Chaque image révèle un moment particulier de lumière capturée. il s’agit de la lumière rasante du petit matin qui allonge les ombres et théâtralise l’espace. il y a aussi la lumière fantasmée du désert dont on s’enivre vite, mais aussi la lumière diffuse et égale d’un intérieur de café, en fin d’après-midi qui souligne la douceur du moment qui passe. La palette serait incomplète si l’on n’évoquait pas la lumière enveloppante et vaporeuse de la yourte qui exprime sans pareil l’hospitalité des nomades mongoles, tout en créant une atmosphère de mystère propice aux esprits chamaniques. Jusqu’à la tombée de la nuit la lumière ne s’avoue pas vaincue, elle va jusqu’à s’infiltrer par effraction pour souligner d’un trait un regard, un geste et laisser caché tout ce qui n’a pas à être révélé.